(Photo: 3 agriculteurs de Mbughavinywa liberés le 23 Décembre 2021)
Accusés faussement par la police d’être des collaborateurs des milices locales armées, messieurs Kasereka Kwiraviwe Zakayo, Kasereka Kivumbu et Mumbere Kartuma ont été arrêtés à Mbughavinywa le vendredi 17 décembre 2021. Les accusations portées contre ces agriculteurs étaient pourtant fausses. Les victimes n’avaient jamais collaboré avec les groupes armés mais ont été appelé à comparaitre devant les responsables du groupe armé FPP-AP pour un conflit foncier. En effet, une partie du groupement de Tama en chefferie Bamate, territoire de Lubero au Nord-Kivu est contrôlée par le groupe armée FPP-AP. Ainsi, ce sont les miliciens qui administrent les entités et rendent justice. Les citoyens n’ont ainsi d’autres choix que de se soumettre aux miliciens.
« Je ne comprends vraiment pas pourquoi ils ont pu nous accuser d’être membres d’un mouvement insurrectionnel » nous a notamment fait savoir Kasereka Kwiraviwe Zakayo en détention. « Nous sommes juste des agriculteurs vivant dans une région occupée par un groupe armé. Nous n’avons pas d’autres choix que de coopérer avec eux » a-t-il regreté.
Détenus d’abord au commissariat de la police à Luofu, les trois victimes ont été transférés au commissariat de la police de Kanyabayonga où ils ont été détenus pendant six jours en violation de la loi qui exige que la période de garde à vue ne dépasse pas 48heures. En dépit du fait qu’il n’existe pas d’éléments probants à leur charge, l’Officier de Police Judiciaire instructeur du dossier a exigé le payement d’une somme forfaitaire de 500 dollars américains par personne pour pouvoir les libérer. Un payement aussi bien illégal qu’exorbitant pour des simples agriculteurs innocents appauvris par des années de conflit armée dans leur région.
Après plusieurs séances de plaidoyer, le 23 décembre 2021 les animateurs du CREDDHO en commune de Kanyabayonga ont fini par obtenir l’abandon de toutes les charges retenues contre les trois victimes ainsi que leur libération sans condition.
« J’avais perdu espoir de passer Noël en famille car je ne pouvais pas trouver les 500$ qui m’étaient exigés. J’exprime toute ma gratitude et mes encouragements au CREDDHO qui a réparé l’injustice que je subissais depuis une semaine en me faisant libérer du cachot de la police à Kanyabayonga » a notamment déclaré une des victimes avant d’appeler les autorités à concentrer des efforts conséquents à neutraliser les groupes armés plutôt qu’à incriminer les citoyens qui sont victimes de leurs abus.
Les droits Humains fortement menacés en période d’état de siège.
Depuis l’instauration de l’état de siège dans les provinces du Nord Kivu et de l’Ituri le 06 mai 2021, il se constate une hausse inquiétante des violations des droits Humains commises par les membres des services de sécurité ainsi que les autorités militaires et policières habilités pour administrer quelques ETD. Le fait que la justice militaire, très peu présente géographiquement et ne garantissant pas un procès équitable et rapide, soit habilitée à juger les civils en cette période d’état de siège contribue largement à compromettre l’accès à la justice aux victimes des violations des droits Humains. Les activistes de la société civile sont particulièrement la cible d’actes d’intimidations, des arrestations arbitraires, des détentions illégales et d’actes de tortures qui ont entrainé la mort d’au moins un d’entre eux.
Même dans ce contexte particulièrement hostile, le CREDDHO demeure engagé, au côté d’autres acteurs de la société civile, dans le monitoring, la formation et le plaidoyer des droits Humains. Nous croyons fortement qu’en cette période d’état de siège, le respect des droits des citoyens par les services de sécurité est un facteur pouvant renforcer la confiance des civils envers la police et l’armée, un ingrédient nécessaire à l’éradication des groupes armés qui endeuillent et font souffrir les populations civiles au Nord Kivu et en Ituri.