Anita (nom d’emprunt) est une jeune fille habitant à Kitchanga, territoire de Masisi au Nord Kivu. Elle rêve de devenir enseignante et s’est pour ce fait inscrite en pédagogie. Malheureusement, Anita risque de ne pas obtenir le diplôme d’Etat en pédagogie pour enfin vivre ses rêves. Ce ne sont pas les capacités intellectuelles d’Anita qui font défaut. C’est plutôt sa mère Rosette (nom d’emprunt) qui peine désormais à payer les frais de sa scolarité. Pourtant, le patrimoine du père d’Anita est important. Sans compter ses biens mobiliers, les propriétés foncières du père d’Anita suffisent largement pour prendre en charge tous ses besoins ainsi que ceux de sa mère et de ses 4 frères. Malheureusement, depuis le meurtre de son époux en 2008, la mère d’Anita n’a plus accès à ses biens. De ce fait, elle prend seule en charge Anita depuis qu’elle a 4 ans.
“Après le décès de mon époux, sa famille m’a demandé de me marier à son frère comme l’exige leur coutume. J’ai refusé car je ne ressentais pratiquement rien pour lui. En raison de ce refus, ils m’ont exclu de l’héritage de mon époux. Tous mes enfants ont subi le même sort. A l’époque, j’étais satisfait d’avoir la garde de mes enfants. Mais maintenant qu’ils deviennent des adultes, ils me demandent ce qui s’est passé et s’investissent pour obtenir leur droit”
Rosette, mère d’Anita
En juin 2022, Anita et sa mère ont présenté leur problème aux parajuristes de la clinique juridique du CREDDHO à Kitchanga en territoire de Masisi, province du Nord Kivu. Grâce à la médiation entre les deux parties ainsi que le plaidoyer auprès des autorités locales, les membres de la famille du défunt père d’Anita ont payé les frais de scolarité de la jeune fille. Ce geste a permis à Anita d’obtenir son diplôme d’Etat. Toutefois, il est insuffisant et ne remet pas Anita dans ses pleins droits d’héritière de son père. Les parajuristes du CREDDHO poursuivent leur combat afin qu’Anita et sa mère retrouvent leur dû.
La situation d’Anita est loin d’être un cas isolé. Elle est juste une illustration des difficultés des orphelins de guerre à l’Est de la République Démocratique du Congo. En plus des difficultés à obtenir justice pour la mort de leur parent, les orphelins sont très couramment exclus de l’héritage. Cela affecte très largement leur croissance saine et compromet leur accès à l’éducation. Pourtant, la loi Congolaise reconnaît aux enfants la qualité d’héritiers de première catégorie. A ce titre, ils doivent recevoir le ¾ du patrimoine du défunt. Hélas, ce n’est toujours pas le cas dans la pratique.
L’engagement du CREDDHO pour la promotion des droits des orphelins à l’Héritage
A travers le programme ESPER (Ensemble pour la Sécurité et la Paix à l’Est de la République Démocratique du Congo) piloté par le consortium Cordaid et VNG International, le Centre de Recherche sur l’Environnement, la Démocratie et les droits de l’Homme (CREDDHO) assure l’accompagnement des orphelins dont le droit à l’héritage est bafoué. Cet accompagnement se fait à travers la médiation des conflits sociaux en lien avec l’héritage ainsi que le plaidoyer auprès des autorités. Depuis 2021, le CREDDHO a notamment assuré l’accompagnement de 43 cas des conflits d’héritage. Par ailleurs, pour prévenir les conflits communautaires liés à l’héritage, le CREDDHO fait de l’éducation communautaire sur la succession et la lutte contre les Violences basées sur le genre une de ses priorités. Les formations sur la succession sont le plus souvent en direction des parajuristes des cliniques juridiques ainsi que des membres des organisations communautaires.
Il serait prétentieux de supposer que ces interventions du CREDDHO ont complètement éliminé les discriminations dont sont victimes les orphelins. Toutefois, les cliniques juridiques mises en place par le CREDDHO permettent de donner une issue à des orphelins et autres victimes des conflits sociaux qui jadis n’avaient aucun lieu pour se plaindre. Certains d’entre eux comme Anita ont pu en sortir avec une légère satisfaction. A cet effet, nous saluons le soutien de Cordaid RDC et VNG International qui rendent possible le fonctionnement des cliniques juridiques du CREDDHO à travers leur appui financier et technique. Parce que la guerre continue et existera toujours, faisons en sorte de créer une société qui ne fasse pas encore souffrir ceux qui en sont le plus affectés.